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Le labyrinthe de l’errance diagnostique : quand le corps cherche un nom

  • Photo du rédacteur: Dominique Michel
    Dominique Michel
  • 25 août
  • 3 min de lecture

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Cela fait de nombreuses années que je travaille en psychologie. J’ai commencé en gériatrie auprès des personnes âgées et de leurs aidants, puis j’ai poursuivi en libéral, auprès de publics très variés. Au fil de mon parcours, j’ai entendu beaucoup d’histoires liées à l’errance diagnostique, que ce soit pour soi-même ou pour ses proches.


Quand le diagnostic se fait attendre

Combien de temps a-t-il fallu pour qu’une personne soit enfin diagnostiquée maladie d’Alzheimer, maladie à corps de Lewy… après avoir reçu de faux diagnostics de dépression ou de troubles psychiatriques ?

Combien d’aidants ont vu leur épuisement être interprété comme une simple dépression ou un burn-out, alors que certains développaient des pathologies physiques sérieuses (cancer, maladie auto-immune…) ?

Et combien de personnes viennent me consulter après que leur médecin leur a suggéré de prendre rendez-vous pour explorer une piste psychologique, alors que le problème était d’abord physiologique ?

Ces situations posent une question essentielle :

Qu’est-ce que l’errance diagnostique ?


Définition et vécu

L’errance diagnostique désigne la période pendant laquelle un patient attend qu’un diagnostic soit posé. Ce délai peut durer des mois, parfois des années. Pendant ce temps, la personne vit avec ses symptômes sans avoir de nom à mettre dessus, sans traitement adapté, et souvent sans reconnaissance de son entourage.

Dans une enquête de l’Observatoire des maladies rares, on apprend que l’errance diagnostique dépasse 3 ans pour la moitié des malades sans diagnostic. Trois années de doute, d’isolement, d’incompréhension. Trois années à naviguer entre différents médecins, sans savoir contre quoi lutter.


Maladies visibles… et invisibles

Lorsqu’une maladie se voit, elle est plus facilement reconnue. Mais quand les symptômes sont invisibles ( fatigue chronique, douleurs, troubles digestifs, perte de mémoire, désorientation ) la situation devient beaucoup plus compliquée.

Sans diagnostic, la personne n’est pas considérée comme malade. Ni par ses proches, ni par son employeur.

Comment justifier des absences répétées au travail ?

Comment expliquer à son conjoint ou à sa famille des difficultés quotidiennes que la médecine ne parvient pas à nommer ?

À cette invisibilité s’ajoute parfois la suspicion : « Et si tout était dans sa tête ? ». Beaucoup finissent par être perçues comme des malades imaginaires.


Le parcours du combattant

Le chemin vers le diagnostic est souvent long et chaotique :

  • En moyenne, 2 à 5 médecins sont consultés avant d’obtenir une réponse (source : Observatoire des maladies rares).

  • Certains patients changent sans cesse de praticien, par espoir de trouver enfin une explication.

  • D’autres se découragent, arrêtent les démarches, puis reprennent lorsqu’un nouveau symptôme apparaît.

À cela s’ajoute la tentation de chercher ailleurs : médecines alternatives, forums, recherches Internet… Mais ces démarches, loin de rassurer, alimentent souvent l’angoisse.


L’impact psychologique

Le temps de l’errance est aussi celui de la peur :

  • Sans diagnostic, pas de pronostic.

  • Impossible de savoir comment la maladie va évoluer.

  • Difficile d’anticiper l’avenir ou d’adapter son quotidien.

Près des 2/3 des personnes interrogées par l’Observatoire déclarent que leur état de santé s’est dégradé faute de diagnostic. À la souffrance physique s’ajoute alors la souffrance psychologique : isolement, incompréhension, perte de confiance dans le corps médical.


Et quand le diagnostic tombe ?

Après des mois, parfois des années d’attente, l’annonce d’un diagnostic suscite des réactions contrastées. Bien sûr, l’annonce d’une maladie grave peut provoquer de l’angoisse. Mais, dans bien des cas, c’est d’abord un soulagement. Enfin, un nom. Enfin, une explication. Enfin, une reconnaissance.

Un diagnostic, c’est :

  • la possibilité d’accéder à un traitement adapté,

  • un cadre rassurant avec un suivi médical clair,

  • et surtout, la fin de la solitude : on peut rejoindre une association, échanger avec d’autres personnes concernées, trouver du soutien.


En conclusion

L’errance diagnostique est une épreuve physique, psychologique et sociale. Elle fragilise les personnes qui la traversent, mais elle met aussi en lumière un besoin essentiel : celui d’être reconnu dans sa souffrance, même quand la médecine n’a pas encore de réponse.

Recevoir un diagnostic n’est pas une fin en soi, mais c’est souvent le point de départ d’un chemin de reconstruction.

 
 
 

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